2023

INCLUSION

A l’écoute des résidents

A Domus, l’autodétermination des résidents s’est encore renforcée, selon la nouvelle loi sur l’inclusion des personnes en situation de handicap. «On ne parle plus d’eux sans les consulter», explique Géraldine Antonin, responsable de l’hébergement.

Qu’est-ce que cette nouvelle loi change?
Les droits des personnes en situation de handicap sont davantage respectés. A Domus, on était déjà attentifs à leurs droits, mais on l’est encore plus.

Une personne qui vit en institution choisit-elle vraiment sa vie?
Oui, dès qu’une personne arrive chez nous, on évalue ses besoins avec un outil qui s’appelle l’échelle Eladeb. C’est une sorte de jeu de cartes, avec des dessins. Chaque carte représente un sujet: l’alimentation, l’espace de vie (la chambre), les relations familiales, la sexualité, etc. La personne passe en revue les cartes et dit ce qu’elle souhaite pour chaque thème. Elle choisit ses priorités, et si elle a besoin d’aide. A nous de l’accompagner pour atteindre ses objectifs, par exemple: renouer des contacts avec sa famille, manger plus équilibré, etc.

Consultez-vous les résidents à d’autres occasions?
Très souvent. On dit désormais «rien sur nous, sans nous». Ça veut dire qu’on ne prend pas de décision sur des sujets qui concernent les résidents sans leur demander leur avis et les intégrer à cette décision. Les résidents mènent les réunions de leur réseau, où il y a leur médecin, leur psychologue, leur curateur et leur référent à Domus. On a aussi créé un comité qui s’appelle «Pouvoir d’agir». Il est composé de quatre résidents et moi. On se voit tous les mois, et on travaille pour améliorer leurs droits dans l’institution. Un autre exemple: ils sont intégrés dans l’organisation de «Domus fête Noël» ou la kermesse annuelle. Parce que ces événements sont faits pour eux et leur famille, leurs amis.

Pourquoi est-ce toi qui fais ce travail?
Comme responsable de l’hébergement, j’ai un rôle assez central dans l’institution. Et surtout, j’ai fait récemment une formation sur ce sujet. Le thème de mon CAS était «Du droit au pouvoir d’agir». Pour ce travail, j’ai questionné les personnes accompagnées de Domus, et j’ai proposé toute une série de mesures pour mieux respecter leurs droits.

Les personnes accompagnées apprécient-elles ce changement?
Comme nous, certaines n’ont pas envie de choisir. D’autres sont très motivées. Johann Duc a rédigé sur Word une proposition de cahier des charges pour les membres du comité. Nous avons même coaché des personnes accompagnées pour qu’elles puissent faire une présentation à la direction. On voit que les gens développent de nouvelles compétences. Et nous leur donnons les moyens de le faire. Désormais, dans toutes les unités de vie, il y a un ordinateur connecté à l’imprimante commune. Il faut savoir qu’avant d’arriver à Domus, beaucoup avaient une vie «normale», comme vous et moi. Didier Métrailler était ingénieur par exemple. (Lire encadré ci-dessous)

Et les travailleurs sociaux?
Dans le cadre de mon travail de DAS, j’avais demandé aux personnes accompagnées quelles peurs les professionnels pouvaient avoir. Elles ont dit: la peur de perdre leur travail, de ne plus savoir quel est leur rôle, d’avoir des valeurs différentes des personnes accompagnées, etc. C’est assez juste.

C’est plus compliqué à travailler ainsi?
Bien sûr. Imagine par exemple qu’un résident choisit que l’hygiène ne soit pas une priorité pour lui. C’est son droit. Mais c’est aussi le droit des autres, à midi, de ne pas manger à côté de quelqu’un qui sent mauvais. Alors comment gère-t-on ça? Il faut trouver un moyen pour que chacun prenne ses responsabilités. Dans ce cas, par exemple, la personne va choisir de venir manger avant ou après les autres. On ne décide plus à la place des gens, on les accompagne pour faire des choix qu’ils jugent pour eux.

Y a-t-il des besoins difficiles à satisfaire?
Les besoins liés à la vie affective. Certains voudraient être en couple, avoir une sexualité, des enfants. Nous essayons de leur offrir des occasions de rencontre, comme des thés dansants. Si certains souhaitent avoir recours à la prostitution, nous les aidons, sans jugement. On a aussi mis sur pied un groupe de parole.

Quel bilan tires-tu aujourd’hui?
Les processus de décision sont plus longs. L’institution et les collaborateurs doivent souvent se remettre en question, et nous avons encore beaucoup de travail. D’ailleurs, ça correspond à la philosophie de Domus. Notre institution est gérée par un management participatif. Les collaborateurs peuvent donner leur avis, proposer des améliorations, fixer leurs horaires en équipe, construire leur cahier des charges, etc. C’était assez logique que les bénéficiaires puissent eux aussi gagner en autonomie. La réhabilitation doit être notre priorité. Dans la mesure du possible, les gens doivent pouvoir sortir un jour de Domus et vivre chez eux.

Quels sont les prochains projets?
Quand nous retournerons à Ardon, notre organisation va changer. Les collaborateurs travailleront en interprofessionnalité. Dans chaque équipe, il y aura des soignants, des travailleurs sociaux, animateurs, etc. Et les résidents vont être impliqués dans la gestion de leur lieu de vie: préparation des repas dans chaque unité, lessive, ménage, etc. Leur autonomie et leurs compétences vont encore se développer. S’ils ne savent pas s’y prendre, ils pourront aller chercher l’information auprès des «experts»: la cuisine centralisée, l’intendance, etc.

 

«En faire plus que jouer aux cartes»

Didier Métrailler, résident de Domus

«Jouer aux cartes ne me suffit pas. Je suis ingénieur de formation, j’ai travaillé sur le chantier du Lötschberg jusqu’en 2003. J’ai souvent dit à Domus que j’aimerais en faire plus, me servir de mes compétences afin de redonner à l’institution ce qu’elle m’a offert, et la remercier. Géraldine m’a donc proposé d’intégrer le groupe «Pouvoir d’agir», qui réunit des personnes accompagnées. Je les représente aussi au sein du CoPil, le groupe qui va travailler pendant la réorganisation de l’agrandissement. J’aime beaucoup ça, même si ça demande un peu de travail. Je vais recevoir un ordinateur pour que ce soit plus confortable. Là, j’ai tout sur mon natel.»